Je remercie la nuit a remporté le prix Ahmadou Kourouma 2025. Il raconte l’histoire de Flora et Yasmina. Elles sont deux étudiantes ivoiriennes dont la vie va basculer pendant la crise politique qui va secouer leur pays. C’est un livre sur l’exil, la passion et la révolution.
Par Soultan TMP
Flora et Yasmina vont s’unir par le destin universitaire qui fera d’elles des co-chambrières à l’université d’Abidjan. De cette union, naitra une amitié profonde qui fera de chacune le pilier de l’autre. Mais la crise politique de leur pays les éloignera de leur chambre qui leur servait de cocon, de leur université qui nourrissait leurs aspirations et pire encore, de l’une de l’autre. Yasmina va retourner à Korhogo, chez ses parents, traumatisés par le viol qu’elle aura subit. Flora va s’exiler en Afrique du sud, pourchassée par l’armée.
“ N’ayant pas une minute à perdre, Flora retourna dans sa chambre en vitesse. Elle prit quelques affaires au hasard et surtout son vieux sac à dos bleu foncé contenant tous ses carnets et ses documents personnels. Victoire, il était toujours en place sous le lit ! Avant de s’en aller, elle jeta un dernier regard sur la chambre qu’elle avait partagée pendant si longtemps avec Yasmina. ” P52
Et si les ailes de l’avion vont mener Flora à Johannesburg, les ailes de l’amour vont la mener dans le cœur de Xolile. Elle l’aimera autant qu’il l’aime. Lui ce jeune noir qui a grandi dans un Soweto qui vibrait au rythme de l’apartheid. Il perdra ses parents étant enfant et fera de son art “une forme de résistance”. Yasmina résiste elle aussi. Mariée à un polygame, elle aura fait un choix que son amie Flora, qui trouve ça rétrograde ne comprend pas.
“Dis-moi, quand viendras tu me rendre visite à Korhogo ? Une nouvelle université est en train de se construire. Elle sera toute neuve. Dès que possible, j’irai m’inscrire. Moi, Abidjan, c’est fini, je n’y remettrai plus jamais les pieds ! ” P280
Je remercie la nuit est un livre mélancolique qui dans une écriture simple, dresse des profils de jeunes qui résistent pour leurs espérances quand les égos des politiciens mènent à une guerre. Il donne la voix aux profils souvent ignorés des conflits qui même après la guerre, n'ont pas fait la paix avec eux-mêmes. L'auteure nous fait ressentir l’étouffement de ses protagonistes sans utiliser des mots durs ou choquants. Sa plume docile dévoile leurs sensibilités.
Véronique Tadjo profite du parcours de ses personnages pour évoquer et décrire des faits ou figures marquantes de l’histoire du monde dans son livre ; Ghandi, Mandela, l’apartheid… Elle décrit parfois des événements qui se sont réellement déroulés ainsi que ceux qui les ont menés
“Je demande à tous les jeunes de Yopougon, de Port-Bouët, de Koumassi, d’d’Adjamé, de Cocody, et de Treichville, bref, de tout le district d’Abidjan, je demande à tous les jeunes de Côte d’Ivoire de s’organiser en comités pour empêcher les déplacements de l'ONUCI partout dans le pays ” P87
Ce livre retentit comme une cloche au moment où la cote d’ivoire prépare des élections présidentielles dans un contexte ou la candidature du président a déjà provoqué une manifestation. Les mêmes acteurs de la crise politique raconté dans le livre sont encore là, avec la même ambition, la présidence de la République.
Ce que je reproche à ce livre c’est le choix des noms. Flora ou Yasmina pourraient êtres n’importe qui dans le monde. Une française comme une américaine. Une guadeloupéenne comme une sénégalaise. C’est ainsi pour la majorité des personnages ivoiriens du roman ; Eric, Virginie, Édouard… Utiliser des noms ivoiriens aurait renforcé l'immersion du lecteur en Côte d’Ivoire.
Je remercie la nuit est un bon livre sur la côte d’ivoire qui nous fait découvrir ses villes, sa culture, son climat et ses peuples. On découvre la chaleur d’Abidjan et une jeunesse branchée à celle du monde, qui porte ses propres aspirations. Véronique Tadjo nous raconte une côte d’ivoire sur laquelle la nuit est tombée. Mais la nuit n’est jamais éternelle !
Portrait de Veronique Tadjo : https://cafedesmotsblog.blogspot.com/2025/03/veronique-tadjo-portrait-de-la-prix.html
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