Trente ans après le génocide des Tutsis au Rwanda, Gaël Faye signe un deuxième roman sur ce massacre de 1994 qui a marqué à jamais l'histoire des rwandais. Ce livre, Jacaranda, à travers des enfants, présente la mémoire du génocide comme un heritage qui se transmet.
Par Soultan Tmp
Jacaranda c'est l'histoire d'un jeune metis, Milan, de père français et de mère Rwandaise qui vivent en France. Il décide de s'intéresser à ses origines rwandaise. Et dans cette quête qui va l'obliger à partir au Rwanda, il va ouvrir une mémoire familiale que sa mère n'a jamais voulu lui raconter. Une mémoire à laquelle sa mère n'a jamais voulu l'initier. Elle va noyer en elle, jusqu'à la fin, son histoire tragique et individuelle du génocide rwandais.
Jacaranda est un roman polyphonique qui fait parler les survivants du génocide rwandais. On comprend leurs silences, on partage leurs cris et leurs frustrations. Les personnages se succèdent, les histoires se mêlent et se tissent autour du génocide des Tutsis au Rwanda. Gaël Faye nous propose un roman poignant qu'il raconte comme un enfant, pour les enfants peut-être.Parti pour un séjour académique à Kigali, Milan va s'installer définitivement dans une ville qui a tourné la page du génocide, mais qui à l'encre des larmes et du sang de ses victimes, veut se récrire. Les victimes ne sont pas encore totalement réveillés des cauchemars qu'ils ont vécu pendant le genocide. Ils partagent maintenant avec leurs bourreaux le marché, les rues, les écoles, les bars... bref, le quotidien. Les tribunaux Gacaca, justice traditionnelle au Rwanda, ont permis aux victimes d'identifier leurs bourreaux, les genocidaires, en public et de raconter avec détails, ce qu'ils leur ont fait subir.
Jacaranda c'est l'histoire de luttes individuelles dans un combat collectif qui est de se réparer après le génocide rwandais. Chaque personnage cherche sa paix, cherche à enterrer les siens, cherche à enterrer ses traumatismes, cherche à enterrer le genocide. Mais parviennent-ils vraiment? S'ils devraient, comment? En écrivant peut-être comme Gaël Faye, lui même franco - rwandais, arrivé en France à l'âge de 13 ans, fuyant le génocide des Tutsis.
Apres Petit Pays, Gaël Faye signe un deuxième roman poignant sur le genocide rwandais. Comme dans le premier, il fait parler les enfants. Jacaranda commence avec la voix d'un adolescent, Milan. Et quand il devient adulte, l'auteur ajoute la voix de Stella à celle de l'adulte que Milan devient. Alors on découvre le récit et le génocide avec l'insouciance d'un enfant curieux de comprendre l'histoire du pays de sa mère.
Jacaranda a été Finaliste du prix Goncourt 2024 puis Prix Renaudot 2024. Ce livre qui a été publié en août 2024, alors que le Rwanda commemorait ses 30 ans de génocide, s'ajoute à la liste des œuvres puissants sur le génocide rwandais, comme celui de Boubacar Boris Diop ; Murambi, le livre des ossements. Jacaranda va plus loin et là où Boubacar Boris Diop propose un livre où l'on entend les acteurs du génocide - Bourreaux et Resitants du FPR, le Front Patriotique Rwandais qui a combattu le régime génocidaire, Jacaranda prend le recul sur le temps et donne la parole à une génération qui n'a pas connu le génocide. Milan et Stella qui sont successivement puis simultanément les voix principales ne conaissent pas le génocide. Ils l'a découvre à travers leurs proches qui l'ont vécu et dont ils héritent les souffrances. Avec Jacaranda, Gaël Faye s'installe désormais comme un auteur majeur du génocide rwandais.
Jacarada est un livre bien écrit. Comme dans Petit Pays, Gaël Faye dans Jacaranda a reussi à raconter l'horreur sans choquer. Ses mots sont justes, ses phrases sont lyriques et poignantes. On ressent les peines des victimes, sans toutefois vivre l'effroi. On est sidéré par les récits. Sans y être forcément terrifié. Jacaranda? C'est peut-être la plume de Gaël Faye.
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